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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта (книги полные версии бесплатно без регистрации TXT) 📗

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Heureusement, il avait aussi rendu possible les nuits a la belle etoile et les longues chevauchees. On avait emporte des vivres en suffisance et les arrets dans les auberges avaient ete rares. La plupart d'ailleurs n'avaient plus grand-chose a offrir.

A mesure que l'on avancait, l'impatience de Catherine semblait grandir en meme temps que son humeur s'assombrissait. Elle parlait de moins en moins et chevauchait, des heures entieres, les yeux rives au chemin, droit devant elle, sans prononcer une parole, possedee d'une hate febrile. Tristan l'observait a la derobee sans oser, il est vrai, poser de questions. Elle pressait l'allure autant qu'il etait possible, soupirant avec une sorte de rage quand il fallait s'arreter. Mais les chevaux avaient besoin de repit.

Pourtant, lorsque l'on eut passe Aurillac, cette grande hate tomba d'un seul coup. Catherine fit ralentir l'allure de plus en plus, comme si elle craignait l'approche de ces montagnes au c?ur desquelles respirait toujours Arnaud. Et quand les remparts et les tours de Montsalvy surgirent du haut plateau comme une couronne sombre posee sur la nuit, la jeune femme arreta son cheval et demeura la un moment contemplant, le c?ur soudain serre, ce paysage qui n'avait pas eu le temps de lui devenir familier. Tristan, inquiet, poussa son cheval pres d'elle.

— Dame Catherine, qu'avez-vous ?

— Je ne sais pas... Ami Tristan, il me semble que j'ai peur tout a coup...

— Peur de quoi ?

— Je ne sais pas, repeta-t-elle d'une voix blanche. C'est comme...

un pressentiment.

Jamais elle n'avait eprouve quelque chose de semblable : cette crainte etouffante de ce qui l'attendait derriere ces murs muets. Elle essaya de se raisonner. La- bas, il y avait Michel, Sara, Gauthier sans doute. Mais meme l'image de son petit garcon ne parvint pas a desserrer sa gorge. Elle tourna vers Tristan un regard noye.

— Allons, dit-elle enfin. Les hommes sont las.

— Et vous aussi, grogna le Flamand. En avant, vous autres !

Les portes de la cite etaient fermees, a cette heure tardive, mais Tristan, embouchant un cor qui pendait a sa ceinture, en tira trois appels prolonges. Au bout d'un instant, un homme portant une lanterne se pencha au creneau.

— Qui va la ?

— Ouvrez, cria Tristan. C'est la noble dame Catherine de Montsalvy qui s'en revient de la cour. Ouvrez ! De par le Roi !

Le guetteur poussa un cri inarticule. La lumiere disparut, mais, quelques instants plus tard, la lourde porte de la petite cite fortifiee s'ouvrait en grincant. L'homme a la lanterne reparut, son bonnet a la main, et s'avanca jusque sous la tete des chevaux, levant son luminaire.

C'est bien notre dame, fit-il joyeusement. Que Dieu la benisse d'arriver si a propos ! On est alle querir le bailli pour la recevoir dignement.

En effet, dans l'unique et etroite rue, une silhouette accourait en cahotant. Catherine, subitement allegee, reconnut le vieux Saturnin. II arrivait de toute la vitesse de ses vieilles jambes en criant :

— Dame Catherine ! C'est dame Catherine qui nous revient ! Dieu soit loue ! Bienvenue a notre maitresse !

Il en perdait le souffle. Emue et un peu amusee, Catherine voulut descendre pour le recevoir, mais il se jeta litteralement contre le cheval.

— Restez en selle, notre dame. Le vieux Saturnin veut vous conduire vers l'abbaye comme naguere il vous avait conduite a sa metairie.

— Je suis si heureuse de vous revoir, Saturnin... et de revoir Montsalvy.

— Pas tant que Montsalvy de vous revoir, gracieuse dame.

Regardez !

En effet, comme par miracle, toutes les fenetres, toutes les portes s'ouvraient, laissant jaillir des tetes qui criaient, des bras armes de torches. En un instant, la ruelle fut illuminee tandis qu'un concert de voix joyeuses clamaient :

— Noel ! Noel pour notre dame qui nous revient !

— Je vous envie, marmotta Tristan. Un accueil pareil doit reconforter singulierement.

— C'est vrai. Je ne m'y attendais pas, mais, ami Tristan, j'en suis tellement heureuse... si heureuse !

Elle avait les larmes aux yeux. Saturnin, raide d'orgueil, avait pris la bride de son cheval et la menait lentement le long de la rue. Elle defila entre deux rangees de visages dont la lumiere des torches accusait la rougeur joyeuse. On ne voyait partout que des yeux brillants, des bouches ouvertes sur des hurlements de joie.

— Que craigniez-vous donc ? chuchota Tristan. Tout le monde vous adore ici.

— Peut-etre. Et je ne sais toujours pas ce que je craignais. C'est merveilleux ! C'est...

Les mots moururent sur ses levres. On arrivait en vue du portail de l'abbaye, large ouvert lui aussi. Mais au seuil se tenait la gigantesque silhouette de Gauthier. Catherine s'attendait a le voir courir vers elle, comme l'avait fait Saturnin. Il ne bougea pas. Bien plus, il croisa les bras, comme pour interdire le passage. Son visage avait l'immobilite du granit. Aucun sourire ne l'eclairait. Et, en croisant le regard glacial de ses yeux gris, Catherine ne put s'empecher de frissonner.

Aidee par Saturnin, elle descendit de cheval, s'avanca vers le Normand. Il la regardait approcher sans faire un geste, sans faire un pas vers elle. Elle tenta de sourire.

— Gauthier ! s'ecria-t-elle. Quelle joie de te retrouver !

Mais aucune parole de bienvenue ne sortit de cette bouche serree.

Rien qu'un sec :

— Est-ce que vous etes seule ?

— Comment ? fit-elle abasourdie.

— J'ai demande si vous etiez seule ? repeta le Normand sans s'emouvoir. Il n'est pas avec vous, ce beau dameret blond que vous devez epouser ? Sans doute est-il demeure un peu en arriere pour vous laisser faire seule votre entree.

Catherine rougit brusquement, autant de mortification que de colere. L'insolence de Gauthier la confondait. Il osait l'attaquer brutalement, devant tous, lui demander des comptes... Si elle ne voulait pas perdre la face aux yeux de ses paysans, il lui fallait reagir..

Redressant son petit menton, elle s'avanca resolument vers le portail.

— Place ! dit-elle sechement. Qui t'a permis de me poser des questions ?

Gauthier ne broncha pas. Il continuait de boucher le passage de son immense stature. Tristan fronca les sourcils, porta la main a son epee.

Mais Catherine retint son geste.

— Laissez, ami Tristan. Ceci me regarde. Allons, ordonna-t-elle durement, laisse-moi passer ! Est-ce ainsi que l'on accueille la maitresse d'un lieu qui rentre au logis ?

— Ce n'est pas votre logis, c'est celui de l'abbe. Quant a etre maitresse ici, dame Catherine, en etes-vous encore digne ?

— Quelle outrecuidance ! s'ecria Catherine hors d'elle. Ai-je des comptes a te rendre ! C'est ma belle- mere que je veux voir.

Comme a regret, Gauthier s'ecarta. Catherine s'avanca, tres droite, passa devant lui et penetra dans la cour de l'abbaye. Alors, froidement, il jeta :

— Depechez-vous alors ! Car elle ne vivra plus longtemps.

Catherine s'arreta net, frappee de plein fouet. Un instant, elle se figea puis, lentement, tourna vers le Normand un regard epouvante.

— Comment ? balbutia-t-elle. Qu'as-tu dit ?

— Qu'elle est en train de mourir. Mais, au fond, cela ne doit pas vous tourmenter beaucoup. C'est encore un lien genant qui va tomber.

— Je ne sais pas qui tu es, l'ami, jeta Tristan furieux, mais tu as de singulieres facons. Pourquoi cette brutalite envers ta maitresse ?

— Qui etes-vous ? demanda Gauthier dedaigneusement.

— Tristan l'Hermite, ecuyer de Monseigneur le Connetable, charge par le Roi de ramener la comtesse de Montsalvy chez elle et de veiller a ce que nul mal ne lui advienne. Tu es satisfait ?

Gauthier fit signe que oui. Il arracha une torche qui brulait pres de la voute de son crampon de fer et, silencieusement, preceda les voyageurs vers la maison des hotes de l'abbaye. Apres l'agitation du village le silence du couvent etait saisissant. Les moines etaient deja retires dans leurs dortoirs, l'abbe etait invisible. Seules quelques chandelles brulaient derriere les petites fenetres de l'hotellerie. Sur le seuil, il n'y avait personne et Catherine, soudain, arreta Gauthier en le prenant par le bras.

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