Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно без TXT) 📗
Il eut son etroit sourire oblique.
Le collier retombait maintenant tout a son aise. Le reseau d'or enveloppait totalement les epaules, descendait sur la poitrine dont il cachait en partie la nudite.
— C'est beaucoup mieux ainsi, fit Garin avec satisfaction. Mais on ne peut guere vous demander de sortir a moitie nue pour donner a cette piece rare sa pleine valeur... bien qu'elle prenne ainsi un reflet etonnant. Gardez tout de meme ce collier, ma chere, ne fut-ce qu'en reparation de cette robe perdue. Je m'excuse grandement, mais, vous le savez, je ne peux supporter les fautes d'esthetique.
Une longue echarpe de velours, jetee sur la robe dechiree, permit a Catherine de rentrer chez elle sans eveiller les commentaires des domestiques. Dans ses deux mains, elle emportait le collier barbare et tremblait a son tour comme une feuille en regagnant sa chambre ou, heureusement, Sara ne se trouvait pas. Cela permit a Catherine de changer rapidement de robe et de jeter dans un coin la toilette abimee.
Mais, une fois de plus, elle avait pu constater qu'avec Garin on ne savait jamais de quoi serait fait l'instant suivant.
Le soir, au souper, il fut tres froid, ne lui adressa qu'a peine la parole et uniquement pour des commentaires parfaitement denues d'interet sur le temps qu'il faisait. Apres quoi, il mena sa femme jusqu'a sa chambre sans prolonger la veillee, salua correctement et tourna les talons.
— Pourquoi ne lui demandes-tu pas d'explications, fit Sara tout en aidant sa maitresse a se devetir. Il me semble que ce serait ton droit.
Je me doutais bien que votre menage n'etait pas tout a fait normal, mais a ce point-la ! Encore vierge apres plus d'un mois de mariage !
Je veux bien que ton mari ait ete absent presque tout le temps, mais tout de meme...
— Tu avais devine quelque chose n'est-ce pas ? Rappelle-toi tes questions au matin de mes epousailles.
— Je savais que ton epoux n'etait pas reste longtemps aupres de toi cette nuit-la, mais je croyais que, depuis, il t'avait rejointe plusieurs fois. Comment deviner pareille chose ?
Apres l'incident du collier et le diner glacial qui avait suivi, Catherine, plus vexee qu'elle ne voulait bien l'admettre n'avait pu retenir sa colere. Dans son depit de se voir aussi clairement dedaignee, elle avait enfin confesse a Sara la verite de sa vie conjugale, verite limitee a si peu de choses. Sur le coup, la tzingara avait eu du mal a s'en remettre. Les poings sur les hanches, elle avait considere Catherine avec un ahurissement comique.
— Quoi ? Rien ?... Vraiment rien ?
Presque rien. La nuit de nos noces, il est venu dans ma chambre et il m'a devetue apres m'avoir obligee a sortir du lit. Et ensuite, il m'a regardee longtemps, longtemps comme si... comme si j'etais l'une de ces statuettes d'ivoire et d'albatre qui sont dans sa chambre. Il m'a dit que j'etais tres belle... et puis il est parti. Il n'est jamais revenu. Peut-
etre que je lui deplais.
- Tu es folle ? s'ecria Sara avec un regard
farouche. Lui deplaire ? Mais, malheureuse, regarde- toi dans une glace ! Il n'y a pas un homme au monde qui pourrait te resister si tu voulais t'en donner la peine. Et celui-la n'est pas bati autrement que les autres. Il a retire ta chemise, il t'a vue completement nue... et, la-dessus, il est alle tranquillement se coucher a l'autre bout du chateau ?
Mais c'est de la demence ! Il y a la de quoi faire tordre de rire tout le royaume.
Tout en parlant, Sara secouait la robe qu'elle venait d'oter a Catherine et l'etendait sur le lit pour la brosser avant de la ranger.
Catherine la regardait faire d'un air desabuse.
— Pourquoi ? Il ne fait sans doute que respecter le contrat impose par le duc ? Il m'a epousee, mais peut-etre Philippe a-t-il exige de Garin qu'il ne me touche pas.
— Vraiment ? Mais, petite malheureuse, quel homme digne de ce nom accepterait pareil marche sans se deshonorer a ses propres yeux ?
De plus, comment un seigneur, un prince, s'abaisserait-il a le proposer
? Non. De deux choses l'une : ou bien, ce qui est invraisemblable, tu ne plais pas a messire Garin, ou bien ton mari n'est pas un homme.
Apres tout, il ne frequentait guere les femmes, avant son mariage. On ne lui a connu aucune maitresse, aucune aventure. Il a fallu un ordre formel pour qu'il prenne une epouse. Peut-etre...
— Peut-etre ?
Peut-etre que ses gouts ne vont pas aux femmes. C'est un vice courant en Grece et en Italie d'ou je viens. Nombre de femmes y sont delaissees parce que certains hommes leur preferent de jeunes garcons...
Catherine ouvrait des yeux enormes.
— Tu ne crois tout de meme pas que Garin soit comme ca ?
— Pourquoi pas ? Il a beaucoup voyage, surtout aux Echelles du Levant. Il peut y avoir contracte ce vice honteux. En tout cas, il faut en avoir le c?ur net.
— Je ne vois pas bien comment ? fit Catherine en haussant les epaules.
Sara, lachant sa brosse s'approcha d'elle, la fixant de ses prunelles retrecies jusqu'a n'etre plus que de minces fentes.
— Je t'ai dit que, si tu voulais t'en donner la peine, aucun homme digne de ce nom, ne saurait te resister. Il faut que tu te donnes cette peine. Au fond, jusqu'ici tu n'as rien fait pour attirer ton mari a toi.
— Mais je n'en ai nulle envie ! protesta la jeune femme. Je ne comprends pas, c'est entendu, mais de la a m'offrir...
Sara haussa les epaules et tourna le dos, brutalement, a la jeune femme avec un regard si charge de mepris qu'il cloua Catherine sur place. Jamais Sara ne l'avait regardee comme cela.
— Tu n'es pas une femme ! fit dedaigneusement la gitane. Au fond, vous allez bien ensemble. Aucune femme, vraiment femme, ne peut admettre d'etre ainsi dedaignee sans en demander les raisons. C'est une question d'amour-propre.
— Non, une question d'amour tout court. Tu sais tres bien...
... que tu veux te garder pour je ne sais quel garcon qui ne veut pas de toi. Et tu esperes sincerement y arriver ? Mais malheureuse idiote, crois-tu donc resister longtemps au duc Philippe ? Tu preferes attendre que ton mari, puisque c'est la son role, te livre a lui, bien ficelee, bien pomponnee, comme une petite oie grasse a point. Tu vas accepter ce role d'esclave... toi ? Je vais te dire une chose : si tu avais seulement un peu de mon sang dans les veines, du vrai sang bien rouge, tout brulant de fierte et d'orgueil, tu irai? te jeter dans les bras de ton mari, tu le forcerais a faire envers toi son devoir d'homme... ne fut- ce que pour jouer a ce Philippe de Bourgogne le tour qu'il merite. Mais ce qui coule dans tes veines, ce n'est que de l'eau. Laisse-toi donc livrer pauvre sotte, c'est tout ce que tu merites...
La foudre tombant sur Catherine ne l'aurait pas sideree davantage que la violente sortie de Sara. Elle restait au milieu de la piece, bras ballants, sans reaction. Sara retint un sourire puis ajouta, avec une douceur perfide :
— Le pire... c'est que tu meurs d'envie d'aller t'expliquer avec ton mari parce que tu es faite pour tout ce que tu voudras sauf pour la chastete. Et aussi parce que tu es vexee comme un dindon !...
Cette deuxieme comparaison, empruntee a la basse- cour, eut raison de la stupeur de Catherine. Un flot de sang monta a ses joues et elle serra les poings.
— Ah, je merite uniquement de me laisser livrer comme une petite oie ! Ah, je suis vexee comme un dindon ! Eh bien, tu vas voir. Va me chercher mes femmes.
— Que vas-tu faire ?
— Tu vas le voir. Apres tout, tu as raison : je suis terriblement vexee ! Je veux un bain, tout de suite, et mes parfums... Quant a toi, si tu ne t'arranges pas pour me rendre irresistible, je te ferai arracher la peau du dos a coups de fouet a mon retour.
— Si cela ne depend que de moi, fit Sara en riant et en courant se pendre a une sonnette, ton epoux va courir un grave danger.
Quelques minutes plus tard, les femmes de Catherine accouraient. La baignoire d'argent fut remplie d'eau tiede et la jeune femme s'y plongea quelques minutes. Apres quoi on la massa jusqu'aux orteils, on la poudra puis Perrine, la parfumeuse, fit son office sous la direction de Sara qui s'etait reserve les soins de la chevelure. Pendant que les autres servantes s'activaient, elle brossa et rebroussa les longs cheveux soyeux jusqu'a ce qu'ils brillent comme de l'or pur et crepitent sous le peigne. Puis elle les laissa aller sur le dos de Catherine.