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Catherine et le temps d'aimer - Бенцони Жюльетта (читать книги бесплатно .txt) 📗

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Quand elle revint a elle, Catherine eut l'impression d'etre plongee dans une riviere. Elle etait trempee, transie jusqu'aux os et claquait des dents. Ses yeux pleins de larmes ne distinguaient rien qu'un brouillard rouge, mais elle sentait que des mains la frictionnaient sans douceur. Puis on l'enroula dans quelque chose de reche mais de chaud. La meme main vigoureuse lui essuya le visage et elle reconnut enfin, penches sur elle, les traits irreguliers de Josse. Il eut son curieux sourire a levres closes en voyant qu'elle ouvrait les yeux.

— Il etait temps ! marmotta-t-il. J'ai bien cru que je ne pourrais pas franchir le rideau de feu. Heureusement, un pan de mur, en s'effondrant, m'a ouvert un passage. Je vous ai apercue et j'ai pu vous tirer dehors...

En se soulevant, Catherine vit qu'elle etait couchee sur les dalles de la galerie. Le feu ronflait a l'une des extremites, la ou s'ouvrait auparavant la porte de sa chambre, mais il n'y avait la ame qui vive.

— Il n'y a personne ? dit-elle. Comment se fait-il que le feu n'ait pas alerte le chateau ?

— Parce que cela flambe aussi chez l'archeveque. Tous les serviteurs sont en train d'eteindre l'incendie pour sauver don Alonso.

D'ailleurs, les portes de cette galerie ont ete barricadees du dehors.

— Comment y es-tu, alors ?

— Parce que, cette nuit, je suis venu dormir sous l'un de ces bancs de pierre. Apres l'alerte de ce matin, je n'etais pas tranquille. Personne ne pouvait me voir et j'esperais surveiller ainsi votre chambre. Mais je crois que j'ai trop bien dormi ! C'est ca le hic, avec moi !

Quand je suis fatigue, je dors comme une souche. L'incendiaire ne m'a pas vu, mais, de son cote, il a fait si peu de bruit que je n'ai rien entendu quand il a installe ses fagots.

— L'incendiaire ?

— Vous ne pensez pas que ce feu s'est allume tout seul ? Pas plus que celui qui flambe si bien chez monseigneur ? J'ai idee que je sais, d'ailleurs, d'ou vient le coup...

Comme pour lui donner raison, la porte basse a l'extremite encore intacte de la galerie s'ouvrit, livrant passage a une longue forme blanche qui portait une torche. Epouvantee, Catherine reconnut Tomas. Vetu d'une robe de moine, les pupilles dilatees, il marchait d'un pas automatique vers l'incendie, insensible a la fumee de plus en plus dense qui envahissait la grande galerie.

— Regardez, souffla Josse. Il ne nous voit meme pas !

En effet, le garcon avancait comme un somnambule. Sa torche a la main, pareil a l'ange dechu de la vengeance et de la haine, il semblait au pouvoir d'une transe. Ses levres s'agitaient spasmodiquement.

Catherine saisit seulement au passage le mot «Fuego »...Tomas passa tout pres d'elle sans meme la voir. Elle toussa. Il n'entendit rien, continua de s'avancer vers l'incendie, au milieu des noires volutes de fumee.

— Que dit-il ? souffla la jeune femme.

— Que le feu est beau, que le feu est sacre ! Qu'il purifie ! Que le maitre du feu s'eleve jusqu'a Dieu !... Que ce chateau du Malin doit bruler pour que les ames de ses habitants retournent a Dieu, liberees...

Il est completement fou, un maniaque du feu, conclut Josse qui ajouta

: Il n'a pas referme derriere lui la porte de la galerie. Profitons-en pour fuir et donner l'alerte.

Catherine suivit Josse, mais, au seuil, se retourna. Les torrents de fumee avaient presque englouti la mince forme blanche.

— Mais... fit la jeune femme. Il va bruler.

C'est ce qui pourrait lui arriver de mieux... a lui et aux autres ! grogna Josse qui, d'une main peremptoire, entraina Catherine au-dehors.

Elle faisait de son mieux pour le suivre, mais ses pieds nus s'embarrassaient dans les plis flottants de la couverture qui, seule, l'enveloppait. En courant ainsi, trainee par la main nerveuse de Josse, elle buta contre un meuble, se fit un mal affreux et poussa un cri de douleur, puis se plia en deux, le souffle coupe par la souffrance. Josse jura entre ses dents, mais, voyant qu'elle avait les larmes aux yeux, la souleva d'un bras pour l'aider a franchir les derniers metres qui les separaient de l'air libre. Jusque-la, ils n'avaient rencontre ame qui vive, mais, dans la cour, l'agitation etait a son comble. Une meute de valets, d'hommes d'armes, de moines et de servantes y couraient dans tous les sens en poussant des cris aigus comme autant de volailles effarouchees. Entre le grand puits de la cour et l'entree des appartements de l'eveque, une chaine d'esclaves passait incessamment des seaux pleins d'eau pour tenter d'eteindre les flammes qui bondissaient des ouvertures a l'etage. Des cris, des lamentations et des prieres en jaillissaient egalement sur le mode volubile.

L'agitation de la cour etait creee par le fait que l'on venait tout juste de decouvrir le second foyer d'incendie et que les habitants du chateau s'affolaient, croyant bien que le feu avait ete mis aux quatre coins de l'edifice.

Cette cour, avec ses murs rouges et brillants ou les flammes se refletaient, avec une humanite folle qui s'y demenait, donnait une assez bonne representation de l'enfer et Catherine grelottante d'emotion plus que de froid, car la nuit etait tiede et l'incendie ajoutait encore a sa temperature, s'enroula plus etroitement dans la couverture qui cachait sa nudite et alla chercher refuge sous les arcades, tournant son regard angoisse vers le donjon qui, silencieux et sombre, semblait se tenir a l'ecart.

— Gauthier ! murmura-t-elle. Ou est Gauthier ? Il ne peut pas n'avoir rien entendu de tout ce vacarme...

Les murs de ce donjon sont exceptionnellement epais, remarqua Josse, et puis il a peut-etre le sommeil dur...

Mais, comme pour lui donner un dementi, a cet instant meme, la chaine d'esclaves, qui venait de s'etablir pour secourir l'aile habitee naguere par Catherine, parut s'ecrouler comme un chateau de cartes.

Les Maures culbuterent les uns contre les autres, dans un grand vacarme de seaux heurtes et d'eclaboussements, repousses vers le centre de la cour comme par un vent de tempete et Gauthier surgit sur le seuil. Avec le pansement qu'il gardait encore et la longue djellaba dont on l'avait affuble, il ressemblait assez a ces Infideles qu'il renversait, mais qui, aupres du geant, semblaient autant de nains.

Devant lui, solidement maintenue par son enorme poing, une maigre silhouette blanche avancait en trebuchant et vint, finalement, s'etaler sur le sol, presque aux pieds de Catherine. C'etait, bien entendu, Tomas...

Il leva sur la jeune femme un regard qui etait encore celui d'un somnambule, mais qui, cette fois, possedait une conscience. Un eclair de fureur y etincela en reconnaissant son ennemie. La bouche mince se tordit pour un rictus haineux.

— Vivante ! siffla-t-il... Satan lui-meme te protege, maudite ! Le feu n'a pas de prise sur toi ! Mais tu n'echapperas pas toujours au chatiment !...

Avec un grondement de colere, Josse arracha la dague qui pendait a sa ceinture et bondit sur le garcon qu'il saisit a la gorge.

— Toi, en tout cas, tu n'y echapperas pas plus longtemps !

Il allait frapper sans que Catherine, petrifiee d'horreur devant cette haine qui ne voulait pas ceder, eut seulement bouge un doigt, mais la grosse patte de Gauthier s'abattit sur le bras du Parisien, le retenant en l'air.

Non... laisse-le ! Moi aussi, tout a l'heure, j'ai eu envie de l'etrangler quand je l'ai trouve devant la porte en flammes de dame Catherine, divaguant, sa torche a la main, mais j'ai compris que c'etait un fou, un gamin, un malade... On ne tue pas les gens comme lui, on les laisse pour que le ciel... quel que soit celui qui l'habite, s'en charge.

Maintenant, partons !

Du geste, Catherine designa sa couverture et haussa les epaules.

— Comme ca ? Pieds nus et simplement vetue d'une couverture ?

Tu n'es pas un peu fou ?

Sans repondre, Gauthier lui envoya le paquet qu'il tenait sous le bras, sourit, puis declara enfin :

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