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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (смотреть онлайн бесплатно книга txt) 📗

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— Voila un nom que je ne veux plus entendre, coupa Catherine sechement. Le duc de Bourgogne n'est plus pour moi que le duc de Bourgogne ; un ennemi ! Et je ne veux pas porter le nom de cette Toison d'Or dont il est si fier...

Elle s'interrompit. Au-dehors, un cri horrible venait d'eclater, un veritable hurlement d'agonie. Petrifiees, les deux femmes se regarderent, palissantes.

— Qu'est-ce que cela? chuchota Catherine d'une voix enrouee. Va voir...

Sara prit une chandelle, courut vers la porte et s'engouffra dans le couloir. Des bruits de voix se faisaient entendre au-dehors, des appels, des ordres brefs et les echos de pieds lourdement chausses qui couraient. Catherine, le c?ur battant encore au souvenir de l'horrible cri, etait demeuree clouee sur son tabouret, ecoutant intensement. Au bout de quelques minutes, Sara revint. Elle etait blanche jusqu'aux levres et semblait sur le point de defaillir. Catherine la vit s'appuyer au chambranle de la porte et vaciller comme si elle allait s'evanouir. Ses levres s'agitaient sans qu'un son en sortit.

La jeune femme bondit, prit Sara par la taille et l'amena doucement jusqu'au tabouret qu'elle venait de quitter. Puis elle alla remplir un gobelet a une aiguiere d'etain posee pres d'une cuvette. Les dents de la bohemienne claquaient et ses yeux semblaient avoir double de volume. De grands plis verdatres s'etaient creuses le long de ses levres. Elle but quelques gorgees d'eau, eut un long frisson...

— Mon Dieu ! souffla Catherine, tu me fais peur ! Qu'as-tu vu ? Que s'est-il passe ? Ce cri...

— Guillemette ! balbutia Sara. On vient de trouver son corps disloque dans la cour. Elle... elle est tombee du chemin de ronde !

Le gobelet d'etain echappa des mains de Catherine et roula jusqu'a la cheminee.

Un certain remue-menage dans le chateau tira Catherine du sommeil fievreux dans lequel elle avait fini par sombrer aux dernieres heures de la nuit. Durant des heures, elle etait restee blottie aupres de Sara, dans le grand lit, osant a peine respirer, l'oreille tendue vers les moindres bruits du dehors, les nerfs tellement crispes que le simple cri des grenouilles dans les roseaux de l'etang proche les ecorchait comme une rape. Jamais, de toute sa vie, elle n'avait eu si peur !... Mais, finalement, la fatigue avait eu raison de sa frayeur.

Le bruit augmentant dans la cour, Catherine sauta a bas du lit en escaladant Sara qui dormait, effondree plutot que couchee en plein travers. Pieds nus, elle courut a la fenetre. Comme toutes celles du logis, elle donnait sur la grande cour d'honneur. Catherine tira le volet de bois plein, cligna des yeux dans le jour levant, poussa l'un des quatre petits vitraux armories et se pencha. Des cavaliers, des mules de bat et une nuee de serviteurs entouraient une grande litiere dans laquelle une imposante nourrice en robe ecarlate, bonnet et tablier blancs, portant dans ses bras une petite fille d'environ dix-huit mois, etait en train de s'installer. Quelques instants plus tard, Catherine de Rais apparut sur le perron. Elle portait la meme robe grise que la veille sous une longue cape assortie. Un double bourrelet de velours bleu d'ou pendait un voile leger la coiffait. Elle avait les yeux rouges et les traits tires.

Sans jeter un regard aux fenetres du chateau, elle prit place dans la litiere dont un valet releva le marchepied et referma la portiere. Aussitot, le cortege s'ebranla. De son observatoire, Catherine, le c?ur serre, vit la troupe franchir la voute basse qui faisait communiquer la cour d'honneur avec la basse-cour. En quelques instants, tout disparut. Il n'y eut plus que trois valets qui balayaient les dalles...

Lentement, Catherine referma la fenetre. En revenant vers son lit, elle vit que Sara etait eveillee et la regardait, appuyee sur un coude.

— Qu'est-ce que c'etait ? demanda-t-elle en etouffant un baillement.

La jeune femme se laissa tomber lourdement sur le lit.

— C'etait, dit-elle, notre dernier espoir qui s'en allait ! Je viens de voir la dame de Rais quitter le chateau avec armes et bagages. Mais certainement pas de son plein gre !

Quand vint le temps de la moisson, Catherine cherchait toujours un moyen de quitter Champtoce avant le retour de Gilles de Rais. Mais a mesure que les jours passaient, son espoir s'amincissait et, peu a peu, elle se resignait a l'affrontement inevitable.

Aucun messager n'avait franchi le pont-levis depuis qu'elle etait arrivee et elle demeurait dans une ignorance complete des evenements exterieurs. Gilles avait-il pu enlever Arnaud de Montsalvy a Richard Venables ou bien le capitaine etait-il toujours prisonnier de l'Anglais ? Sara pretendait que, si les combats continuaient, il etait impossible qu'Arnaud rejoignit Catherine avant la treve que l'on esperait. Si grand que fut son amour pour elle, il avait trop la guerre dans le sang et aussi le souci de son devoir pour n'avoir pas demande a reprendre aussitot sa place parmi les capitaines de Charles VII.

— De toute facon, par messire de Rais, quand il reviendra, tu sauras a quoi t'en tenir, disait la bohemienne pour calmer les angoisses de Catherine, angoisses qui grandissaient avec le temps et avec un fait nouveau qui etait advenu dans les derniers jours de juillet, le dimanche qui marquait la fete de la Gerbe.

Ce jour-la, on celebrait la fin des moissons et, traditionnellement, les paysans en cortege etaient venus au chateau, portant le Javelot, la derniere gerbe, enrubannee et fleurie afin de l'offrir a la chatelaine. Catherine de Rais etant dans sa terre de Pouzauges, c'etait l'intrepide Anne de Sille qui avait recu la javelle fleurie et offert, dans la basse-cour, le repas traditionnel. Pour la circonstance, elle avait invite Catherine a presider avec elle la fete champetre.

— Il faut vous distraire un peu, lui avait-elle dit, et puisque mon noble epoux ne vous accorde pas le plaisir de la chasse, prenez au moins celui-la qui vous vient trouver dans l'enceinte meme du chateau.

Sous ses airs tres peu feminins, Anne de Craon n'avait pas une ame mechante. Pour rien au monde elle ne se fut opposee a son redoutable epoux. L'idee ne lui en serait meme pas venue, mais les joues palies de Catherine, ses yeux que marquait, depuis quelques jours, un large cerne violet, l'inquietaient. Elle aimait trop, pour son compte personnel, les folles chevauchees au grand air et par tous les temps pour ne pas plaindre une jeune femme contrainte a la claustration entre les murs d'une forteresse. Aussi, quand elle ne rentrait pas de ses perpetuelles chasses trop epuisee pour avoir meme le courage de lever le petit doigt, faisait-elle de son mieux pour distraire son invitee forcee.

— Je ne me sens guere le c?ur a me rejouir, Madame, avait repondu Catherine.

Mais la chatelaine n'avait rien voulu entendre.

Corbleu, ma chere, secouez-vous un peu ! Vous ne passerez pas votre vie dans ce vieux castel. J'ignore ce que vous veut Gilles, mais il est trop preoccupe de lui-meme pour se soucier longtemps d'une femme... si belle soit-elle. Venez voir s'empiffrer, chanter et danser nos paysans. Ces gaillards braillent comme des gorets ce qu'ils prennent pour des melodies, mais ils dansent les caroles avec beaucoup de conviction et boivent comme des trous.

Par certains cotes, la chasseresse rappelait a Catherine sa vieille amie Ermengarde de Chateauvillain ; meme energie epuisante, meme autoritarisme intransigeant, meme outrecuidante sante physique et meme appetit de vivre. C'etait peut-

etre pour cela qu'elle avait accepte de l'accompagner au banquet, flanquee de Sara. Peut-etre aussi parce que, depuis la mort etrange de Guillemette, la petite servante, aucun fait aussi inquietant n'etait intervenu dans la vie quotidienne du chateau. Mais, au moment ou elle penetrait dans l'immense basse-cour delimitee par la premiere enceinte de murailles, la ou de longues tables avaient ete dressees sur des treteaux couverts de nappes blanches et de fleurs des champs, ou des cochons et des moutons entiers cuisaient sur des feux de branchages, elle avait du s'agripper soudainement au bras de Sara. Etait-ce l'odeur des viandes fortement epicees ou celle des tonneaux de vin et de cidre que les sommeliers mettaient en perce, ou encore les relents, toujours presents, des porcheries, etables et ecuries proches ? Elle vit soudain le decor tournoyer autour d'elle, le sol se derober sous ses pieds tandis qu'une nausee la secouait tout entiere. Son visage blanchit, vira au vert... Sara poussa un cri.

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