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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (смотреть онлайн бесплатно книга txt) 📗

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Une main brutale s'abattit sur sa bouche. Elle la mordit. L'homme jura, la gifla si fort qu'elle faillit perdre connaissance, mais, avant qu'il ait pu de nouveau lui fermer la bouche, elle avait hurle, de toutes ses forces. La main, cependant, l'ecrasait de nouveau. Elle etouffait sous la paume sale, souhaitant eperdu- ment perdre conscience. Revulsee d'horreur, elle dut se laisser palper par le bancal et subir les commentai res de ses compagnons. Des larmes brulantes roulerent sur ses joues. L'idee d'etre violee par ces monstres la submergeait d'horreur. Mais, tout a coup, elle eut la sensation de se trouver brusquement en pleine tempete. Le cercle infernal avait eclate comme par enchantement et des formes confuses s'agitaient. Il y avait des cris de douleur, des gemissements et quelque chose qui grondait, comme le tonnerre. Une voix explosa au-dessus de la tete de Catherine.

— Tas d'ordures ! Je vais vous faire passer l'envie de recommencer.

Catherine avait subi un tel choc qu'elle fut a peine surprise en reconnaissant Gauthier. Il etait tombe comme un quartier de roc sur les truands et, maintenant, il faisait de la bonne besogne. Les poings enormes du geant frappaient sans relache, ecrasant un visage, faisant sauter des dents, envoyant un corps s'aplatir contre les pierres du mur. Etendue a terre, et sans plus de forces qu'un enfant nouveau-ne, Catherine pensait qu'il avait assez l'air d'un moissonneur dans un champ de ble.

Elle avait aussi conscience d'une longue silhouette rougeatre qui, pres de la porte, empoignait methodiquement, l'une apres l'autre, les victimes du Normand et les jetait dehors. Bientot, Gauthier n'eut plus comme adversaire que le bancal.

L'homme etait peut-etre moins fort, mais il etait certainement hargneux. Il tentait de sauter a la figure du Normand pour lui crever les yeux. Mais le geant leva une jambe. Son pied partit comme une catapulte, atteignit le bancal en pleine figure avec tant de violence que Catherine entendit craquer les os. Le ribaud, la figure en bouillie, s'ecroula dans un coin et ne bougea plus. Il etait mort.

Jetant les yeux autour d'elle, Catherine vit que la cave etait vide, qu'il n'y avait plus que Gauthier. Elle prit alors conscience de sa nudite, chercha ses vetements autour d'elle, les apercut dans un coin et voulut se lever, mais deja le Normand s'etait agenouille aupres d'elle. Sa poitrine faisait le bruit d'un soufflet de forge, mais ce n'etait pas uniquement a cause de l'effort qu'il avait fourni. Les yeux pales devoraient le corps de la jeune femme avec une expression tellement affamee que la peur lui revint. Son defenseur la regardait presque de la meme facon que, tout a l'heure, les betes humaines qu'il venait de mettre en fuite. Elle tendit vers lui une main tremblante qui repoussait, mais il ne bougeait pas plus qu'une pierre. Il n'avait plus l'air vivant tout a coup et, ainsi agenouille, il semblait si formidable que le desespoir envahit Catherine. Les mises en garde de Sara lui revinrent et, interieurement, elle se traita de sotte. Elle ne connaissait pas cet homme, apres tout, et, maintenant, elle etait en son pouvoir. Dans un instant, il assouvirait sur elle ce desir qu'elle voyait si clairement sur son visage contracte. Et sa defense ne servirait a rien contre une telle force.

Et puis, elle etait trop fatiguee pour lutter. Avec un petit gemissement, elle se laissa retomber a terre, attendant ce qui allait suivre. Le contact d'une main sur sa hanche lui restitua l'instinct combatif. C'etait une main timide, hesitante, etrangement douce malgre ses callosites, et Catherine sentit qu'elle faisait naitre en elle un trouble bizarre. Pourtant, elle gemit, d'une voix qu'elle ne reconnut pas pour sienne :

— Non !... Je t'en prie, Gauthier ! Non...

Instantanement, la main se retira. Le Normand eut un frisson qui secoua ses larges epaules. Il tourna la tete, regarda Catherine avec des yeux qui, peu a peu, revenaient a la conscience. Elle y vit passer un regret, mais, deja, il s'etait courbe jusqu'a terre, avait pris dans ses mains les pieds nus de la jeune femme et y posait ses levres, devotement.

— Pardon ! murmura-t-il.

L'instant suivant, il etait debout, redevenu completement lui-meme.

— Je vais vous donner vos vetements, dame Catherine, dit-il de sa voix la plus naturelle. Et puis, j'attendrai dehors que vous soyez prete.

Il lui jeta ses affaires, sans douceur, et sortit sans se retourner, rejoignant a la porte la silhouette rouge qui y reparaissait.

— Viens ! dit-il. Laissons-la.

En un tournemain, Catherine fut prete. Elle retrouva, dehors, les deux hommes et reconnut dans le compagnon de Gauthier l'homme aux guenilles rouges du Loens. Sous leur regard, elle se sentit genee.

— Je voudrais de l'eau, murmura-t-elle. Je me sens si sale, si souillee.

Ce fut l'homme rouge qui lui repondit. Il se mit a rire, d'un rire un peu niais mais qui n'etait pas desagreable.

— De l'eau, ma belle dame, vous en aurez tout a l'heure plus que votre content. Et puis, ce qui vous est arrive peut arriver a n'importe quelle jolie femme, dans notre aimable siecle. L'important etait que nous soyons arrives a temps.

— Comment m'avez-vous retrouvee ?

— C'est grace a lui, intervint Gauthier. Quand on ne vous a plus vue, il a eu des soupcons. Il parait qu'une histoire de ce genre est arrivee, il y a huit jours, a une bergere refugiee...

— Il m'avait bien semble reconnaitre la Fouine, coupa l'homme rouge. Il n'en est pas a son coup d'essai. Les ribauds font un peu ce qu'ils veulent par ces temps de misere. Et puis, on vous a entendue crier.

Le nouvel ami de Gauthier n'avait pas l'air d'attacher d'importance ni a ce qu'il disait, ni a ce qui venait de se passer. Il avait arrache, a l'anfractuosite d'un mur, une fleur de giroflee et la machonnait distraitement tout en marchant.

— Qu'allons-nous faire ? demanda Catherine.

— Reveiller Sara, repondit Gauthier. Et puis vous irez attendre la nuit dans la cathedrale avec elle.

— Et toi ?

— Moi ? D'abord, je n'ai rien a faire dans une eglise, ensuite, je vais aller voir avec Anselme l'Argotier s'il est possible de sortir de cette maudite cite.

— Ah ? fit Catherine avec rancune. Lui aussi, il connait une issue, ou du moins il le dit...

Anselme ne parut pas se formaliser du ton agressif de la jeune femme. Il lui sourit avec beaucoup d'urbanite et inclina, avec la grace d'un page, sa silhouette degingandee.

— Oui, dit-il aimablement. Seulement, moi, c'est vrai !

De cet apres-midi passe sous les nobles voutes de la cathedrale, Catherine devait conserver un souvenir vivace et cependant voile de brume comme en laissent les reves du petit matin. Le choc emotionnel que lui avait donne la recente epreuve subie l'avait rendue plus vulnerable, plus sensible au contraste saisissant entre le moutonnement grisatre et miserable de la foule entassee au pied du grand jube et la gloire triomphante des hautes verrieres dont les rayons du soleil faisaient chanter si haut les bleus et les pourpres. Ils etaient nombreux ceux qui, en une incessante imploration, suppliaient le Ciel de les epargner et d'accorder merci a leur cite menacee. Certains, pour etre mieux proteges du fleau, campaient dans l'eglise, comme cela se faisait au temps du grand pelerinage. La chose etait possible car la cathedrale, contrairement aux autres eglises, ne comportait aucun tombeau. Vouee a Notre- Dame en sa glorieuse assomption, protegee de la mort, elle ne devait etre souillee d'aucun cadavre.

Apres les horreurs de la cave aux ribauds, Catherine trouva douceur et reconfort a contempler tant de beaute. Elle pria longtemps avant de s'asseoir dans un coin, pour attendre la nuit, implorant Dieu de lui rendre bien vite Arnaud. De la crypte, ou les malades s'entassaient autour du puits miraculeux et dont la porte etait barricadee, montaient des gemissements, des plaintes. Et, cependant, la jeune femme, vaincue par ses emotions, finit par trouver le sommeil. Elle reva qu'elle se trouvait seule, sur une route nue et inondee de soleil. La route etait rouge comme un fer passe au feu, mais elle s'y jetait a corps perdu parce que, loin devant elle, cheminait la silhouette d'Arnaud. Il portait -son armure noire et marchait d'un pas qui semblait lent et regulier. Pour le rattraper Catherine courait, courait, mais, inexorablement, le chemin s'allongeait toujours, la silhouette diminuait, diminuait. Catherine essayait de crier, mais sa voix ne pouvait franchir ses levres...

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